Dans un objectif de contextualisation rapide de la situation cambodgienne à l'époque de la montée en puissance du Parti communiste du Kampuchéa (Khmers Rouges), il faut comprendre les grands axes de la guerre du Vietnam et l'affrontement général Ouest/Est de la guerre froide. Le "Viet Cong" et les pays communistes tentent d'étendre leur influence et ils trouveront des alliés de taille dans le pays voisin, le Cambodge. Ils vont donc financer le développement et l'armement d'un groupe d'individus portés par des idées maoïstes développées lors d'études des textes léninistes, staliniste et marxiste en France.
L'organisation de cette guérilla devenant de plus en plus sérieuse et s'étendant sur les territoires frontaliers au Vietnam du Nord, ses dirigeants prirent la décision de marcher vers la capitale Phnom Penh et d'imposer leur idéologie à tous les cambodgiens, malgré l'appui officiel de l'armée américaine au régime politique alors en place.
Après avoir réussi à obtenir le pouvoir, les dirigeants Khmers Rouges s'empressent de chasser et d'éliminer toute personne pouvant compromettre leurs plans.
En ce sens, les membres du gouvernement, les fonctionnaires, les artistes et tous les citadins se voient être des cibles de choix face au modèle économique et philosophique prôné par les leaders du mouvement qui ne jurent que par l'agriculture, l'égalité et l'absence de tout bien privé. L'arrestation systématique de ces "intellectuels" semble donc inévitable. L'arrestation va cependant de pair avec l'incarcération. Ayant fait vider les villes de ses habitants en les envoyant travailler la terre, les Khmers Rouges disposent d'un large choix de bâtiments pour enfermer ces possibles opposants. La prison la plus connue aujourd'hui est celle de Tuol Sleng (S-21) à Phnom Penh, la capitale, qui était utilisée comme lycée avant la déportation générale. Cet ancien lycée est le seul lieu où de nombreuses traces du génocide perpétré par le régime ont pu être retrouvées et ont permis de fournir des informations indispensables au travail des historiens.
Dans cet établissement, maintenant ouvert à la visite, on est tout d'abord frappés par l'exiguïté des cellules qui ont été aménagées austèrement à l'aide de briques à l'intérieur des salles de classe. La présence du matériel de l'époque fourni aux prisonniers est également troublante.
Ces hommes, femmes ou enfants étaient attachés au bâtiment par une chaîne qu'ils portaient autour du pied et avaient l'interdiction de communiquer entre eux. Des boites de munitions américaines se voyaient converties en une sorte de pot de chambre que les gardes devaient débarrasser régulièrement pour limiter les odeurs pestilentielles.
La détention n'était cependant que provisoire. Les prisonniers étaient en réalité présents dans l'objectif de créer des dossiers personnels et prouver leur culpabilité et justifiant de ce fait leur condamnation. Pour cela, une équipe d'interrogateurs était présente et avait recours à des méthodes très peu conventionnelles pour arriver à leurs fins. Diverses méthodes de torture ont ainsi été pratiquées allant de la noyade dans un bain parfois rempli de déjections jusqu'à l'écartèlement ou le démembrement. Ces techniques permettaient aussi aux interrogateurs de la prison de récupérer des noms de complices ou d'alliés qui pourraient nuire au régime. La prison pouvait alors recevoir de nouveaux occupants, dénoncés de force, et pratiquait les mêmes châtiments à ceux-ci.
La courte durée qui sépare ces crimes d’aujourd’hui est un des éléments les plus terrifiants. En effet, 7 hommes ont pu sortir vivants de cette prison à la libération du Cambodge par le Vietnam le 7 janvier 1979 et 3 d’entre eux sont encore disposés à en parler. Plus que cela, ces hommes sont même chaque jour dans cette prison devenue musée pour partager leur expérience aux visiteurs. Le fait qu’ils n’aient finalement jamais vraiment quitté ce lieu et que leur vie actuelle dépende financièrement de cet établissement reste très perturbant.
Des milliers de portraits comme ceux-ci de jeunes khmers retrouvés dans les dossiers du responsable de la prison (Douch) frappent tant par leur nombre que par la banalisation du "travail" de meurtre effectué et la machination du système orchestré par Douch et ses officiers.
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